Les lieux de sociabilité, d'amitié et de convivialité : une nouvelle catégorie de patrimoine ?
À l'aide d'urbanistes, amis, étudiants, artistes... nous avons lancé en 2024 le projet Troisième Lieu (une traduction littérale en français du concept d'Oldenburg, qui se veut distincte de la plus répandue mais désormais plus lointaine du concept, « tiers lieu ») : une enquête participative visant à découvrir et à reconnaître les tiers lieux existants à travers les yeux de leurs utilisateurs réguliers. En commençant par la région parisienne, où nous sommes basés, et en nous étendant à d'autres villes et environnements, nous demandons aux habitants de nous parler (par le biais d'ateliers, interviews, enregistrements, photos, textes, poèmes...) de leur troisième lieu préféré : un endroit qu'ils fréquentent régulièrement, où ils se sentent à l'aise et où ils rencontrent des amis ou socialisent avec d'autres personnes. Nous raconterons ces lieux à travers des productions créatives : fanzines, fictions, illustrations, podcasts, courts-métrages...
Les cafés, les bars de quartier, les bistrots... la typologie de third places à laquelle Oldenburg faisait principalement référence, sont fortement représentés. Mais à travers le regard des usagers, nous avons découvert des formes infinies de third places : les gens mentionnent aussi des places, des promenades, des parcs, des terrains de pétanque, des bancs, des bains publics, des salles de jeux, des piscines, des installations sportives... des lieux qui comptent pour eux en tant qu'espaces réguliers d'échange, de sociabilité et d'amitié. Ils semblent ordinaires à un œil extérieur, mais si l'on regarde de plus près, ils ont un sens particulier pour quelqu'un, car ils représentent l'environnement d'une partie de sa vie sociale. Leur importance peut être invisible ou négligée par les passants, les institutions, les municipalités ou les urbanistes, mais pour leurs utilisateurs réguliers, leur valeur est immense. Leur valeur d'amitié ou de sociabilité, une forme de valeur d'usage, fait de ces lieux un « deuxième chez soi » pour certaines personnes, vital pour leur bien-être individuel et précieux pour la vie publique d'une ville ou d'un quartier.
Nous nous demandons si ces lieux existants reçoivent l'attention qu'ils méritent dans les projets d'aménagement et les politiques publiques : la valeur d'amitié ou de sociabilité d'un lieu est difficile à percevoir, à quantifier ou à analyser, mais elle est très tangible pour les individus et les communautés. Les lieux qui constituent des cadres importants de notre vie sociale, et contribuent ainsi à notre santé mentale et physique, pourraient-ils être considérés comme un patrimoine, digne d'être reconnu, soutenu et protégé ? Pouvons-nous définir une nouvelle catégorie de patrimoine, liée à l'amitié, à la sociabilité, à la communauté et au vivre ensemble ?
/ le premier fanzine du projet troisième lieu sort cet été. Disponible en version imprimée dans certains de nos troisièmes lieux préférés à Paris, ou sur demande. (En collaboration avec Camille Boisaubert et Lucie Mesuret).
/ vous voulez nous parler de votre troisième lieu préféré ? écrivez-nous à 3e.lieu@urbz.net
/ nous tenons à remercier les étudiants de Paris VIII de la classe "Art, culture et projet urbain", du Master "Politiques et Gestion de la Culture en Europe", qui ont réalisé des photo-journaux sur leurs propres troisièmes lieux, dont les images ont été utilisées pour illustrer cet article. Merci à notre ami photographe Arthur Crestani qui a suivi le projet avec nous.
/ merci à nos amis parisiens pour nos conversations et interviews sur leurs troisièmes lieux.
/ logo du projet par Alma Dubois.